Parmi les défis à relever par le monde tropical pour son développement, l’éducation et la formation sont primordiales. L’importance de ces défis est d’autant plus relevée que les pays tropicaux, notamment ceux au Sud du Sahara, ont engagé des réformes visant à professionnaliser les cursus universitaires. Or, face à l’augmentation massive et rapide de leur population estudiantine, le système éducatif en présentiel montre, de plus en plus, ses limites. L’insuffisance des infrastructures, le nombre limité des ressources humaines qualifiées et engagées, la concentration de celles-ci dans les principales agglomérations, l’enclavement de nombreuses régions de même que les questions de sécurités (limitant l’accès aux lieux de formations), imposent l’adoption de nouvelles approches de formation afin de répondre à la demande. Ainsi, les universités tropicales sont appelées à se transformer et à s’ouvrir à des approches plus adaptées aux contextes de ces défis actuels.

Les formations à distance (FAD) et les formations ouvertes à distance (FOAD) se présentent comme des solutions pour remédier à cette situation. Espace d’innovation, le monde du numérique est également le véhicule d’une nouvelle circulation des idées et des avancées scientifiques et techniques.

Si la première responsabilité de l’Université est de s’approprier ces technologies et ces savoirs, c’est également sa responsabilité d’en partager avec l’ensemble de la société. Les enseignants sont, bien entendu, les premiers agents de cette appropriation institutionnelle et sociale, mais c’est aussi, de plus en plus, la responsabilité des étudiants, dont les compétences intègrent les exigences du monde numérique (AUF, 2014)[1]. Ce développement a modifié, de façon considérable, le fonctionnement de l’Université elle-même et ses modes de gouvernance. L’administration et l’enseignement dans le cadre du Master FOAD GAGER de l’Université de Ngaoundéré en constitue un exemple remarquable dont, par cette rencontre scientifique, nous célébrons ses 10 ans d’existence.

Enseignement À distance : cas du Master GAGER

Définit par Glikman (1994)[2] comme étant la transmission et l’apprentissage de connaissances mises en œuvre en dehors d’une présence physique du formateur et du formé dans un même lieu durant la formation, l’Enseignement À Distance a été initiée dans les années 1720 en Amérique par Caleb Phillips. Elle a évolué progressivement d’un système de correspondances postales à un système d’apprentissage virtuel en ligne à partir de l’année 1999 (e-learning), en passant tour à tour par un apprentissage par radio et par télévision. La formation à distance, au-delà des moyens de transmission de la connaissance, a aussi évolué dans sa forme pour donner naissance à des catégories que sont la FOAD et les MOOC. Le Master GAGER de l’Université de Ngaoundéré (Cameroun) dont l’expérience est partagée ici s’inscrit dans la première catégorie.

Il n’est pas toujours aisé de distinguer la FOAD des autres formes de formation à distance. Pour l’UNESCO, la FOAD est caractérisée par une « liberté d’accès aux ressources pédagogiques mises à disposition de l’apprenant, sans aucune restriction, à savoir : absence de condition d’admission, itinéraire et rythme de formation choisi par l’apprenant selon sa disponibilité et conclusion d’un contrat entre l’apprenant et l’institution ». La Commission européenne l’appréhende en tant qu’« un enseignement à distance qui permet à chacun de travailler de façon autonome, à son propre rythme, quel que soit le lieu où il se trouve, notamment grâce à l’e-learning »[3].

Selon le site internet spécialisé eduscol, la FOAD repose sur un socle tripartite : l’intégration des technologies de l’information et de la communication, l’adaptation à l’individu et la modularité de la formation[4]. Elle se démarque donc par un dispositif de formation basé sur la prise en compte des besoins des apprenants, « articulant les contenus de formation à des services variés » (tutorat, forum, exercices ou simulations, classes virtuelles, centres de ressources, courts vidéos, téléprésentiel…), qui libère des contraintes de lieux et de temps.

Génèse et description du Master GAGER

Le MASTER en Géomatique, Aménagement et Gestion des Ressources (GAGER) est l’aboutissement d’un projet de formation ouverte et à distance élaboré à partir de 2006 par le laboratoire de géomatique de l’Université de Ngaoundéré au Cameroun. L’initiative de cette formation vient répondre à un fort besoin de professionnel en géomatique en Afrique central en particulier, relevé par des observations du responsable scientifique de ce laboratoire.  Bénéficiant d’un fort intérêt et soutien de la part de la hiérarchie administrative de ladite Université, en l’occurrence le Rectorat, cette formation voit le jour en 2010 avec 19 apprenants.

Ce Master est transversal aux sciences naturelles, exactes, humaines et sociales. Il prolonge principalement les Maîtrises et Master I de géographie, des sciences naturelles et d’informatique. Il s’articule sur les applications de la géomatique entendue comme le « traitement informatique des données à référence spatiale ». En combinant les sciences géographiques et l’informatique, la géomatique implique toutes les disciplines qui s’intéressent à l’information géographique numérisée (agriculture, aménagement, cartographie, environnement, géodésie, géographie, géologie, hydrologie, pédologie, topographie, télédétection, urbanisme…). Ce Master 2 accueille les étudiants des MASTERS 1 et des personnels issus des milieux professionnels ayant un niveau équivalent à Bac + 4.

Il rassemble les données géo-référencées qu’on peut analyser, mettre à jour et présenter sous plusieurs formes : individuelle, cartographique, thématique et synthétique. C’est un système d’information contenant des sous-systèmes pour la saisie, le stockage, l’extraction, la manipulation, l’analyse, l’affichage des données à référence spatiale. Il se présente comme une révolution dans le domaine de l’analyse spatiale.

Ce Master 2 se veut professionnalisant. Pour cela, il est centré sur les méthodes et outils de géomatique appliquée pour la gestion intégrée des territoires et de l’environnement. Il forme donc des cadres « géomaticiens cartographes gestionnaires des territoires et des ressources » spécialisés dans l’organisation, le stockage, le traitement et la gestion des données géographiques et environnementales[5]. L’originalité de cette formation réside dans son caractère transversal qui prédispose les diplômés à des emplois dans des secteurs variés. Ce positionnement offre à la formation une plus grande souplesse et une adaptabilité à l’évolution du marché de l’emploi dans ce domaine en émergence.

Ce MASTER prépare les étudiants aux métiers de l’aménagement et de la gestion des ressources à base de l’information géographique. Les diplômés issus de cette formation, directement opérationnels, sont capables de s’adapter à des domaines d’études très variés, aussi bien au sein des collectivités territoriales, que chez des prestataires de services (Bureaux d’études), les gestionnaires de l’environnement, les instituts de recherche….

Centrées sur les volets technologiques et professionnalisant, les compétences développées répondent à la politique des Chefs d’États de la CEMAC dans le cadre du système LMD, mise en œuvre par leur Chef de gouvernement et appliquée par les Ministres de l’Enseignement supérieur. Ces compétences sont directement liées à la géomatique au sens large, mais également à tout ce qui concerne la vie d’une entreprise ou d’une collectivité locale et son positionnement par rapport aux autres. L’accent est mis sur l’innovation, la veille technologique, la connaissance de technologies de pointe en matière de collecte, de stockage, d’analyse et de gestion des données environnementales.

Techniciens à double compétence, ils peuvent occuper des postes de chefs de projets dans des entreprises privées ou publiques, ou de chef de services techniques des municipalités dans des domaines divers, mais dont la carte, le plan, l’information numérique spatialisée et l’informatique sont les principaux outils.

Les enseignements apportent aux étudiants une double compétence dans le domaine des sciences géographiques d’une part et dans celui de la gestion des informations numériques spatialisées d’autre part.

Dans ce monde où la techno-pédagogie modifie profondément la tâche de l’enseignant, l’organisation de l’enseignement, la conception de l’apprentissage, voire la façon dont l’apprenant s’approprie la connaissance, l’importance des TIC en la formation constitue aujourd’hui un fait inéluctable qu’il est important de documenter sur le plan scientifique, car leur intégration au système d’enseignement semble désormais irréversible, mais non sans écueils.

Tout laisse croire que les technologies se situent au cœur d’une transformation plus globale et plus profonde de la société avec l’émergence de ce que l’on appelle désormais économie numérique, elle-même arrimée à l’essor d’une société cognitive ou d’une société du savoir.

L’intégration des TIC dans le travail de l’enseignant ne peut toutefois pas être vue comme un processus mécanique. Elle soulève concrètement toute la question fondamentale de la préparation et de la formation des enseignants à l’utilisation optimale des TIC en lien avec l’amélioration de la qualité de la formation des étudiants.

Ainsi, en s’inscrivant dans une perspective analytique des recherches et des pratiques, avec des buts de comparaison et de débat, cette conférence internationale sur les 10 ans de la formation ouverte et à distance du Master Géomatique, aménagement et gestion des ressources (GAGER) à l’Université Ngaoundéré, entend, sur le plan théorique, présenter des communications visant à mieux connaître le processus et les différents impacts de la Géomatique et des TIC dans la formation universitaire.

Le programme de la conférence porte notamment sur la formation aux outils de l’Aménagement du territoire, de la gestion des ressources et aux usages pédagogiques des TIC, sur le transfert de compétences techno pédagogiques dans la pratique, et sur l’impact des TIC sur le travail de l’enseignant, en lien avec l’apprentissage des étudiants.

Le thème central de cette Conférence Internationale prend également appui sur les résultats les plus récents de la littérature internationale dans les domaines de l’aménagement du Territoire, de la gestion des ressources et de la formation à distance. Comment les TIC participent à la formation en Aménagement du territoire et en la gestion des ressources ? Comment les outils techno-pédagogiques sont capitalisés pour la formation universitaire en général et pour la formation professionnelle en Aménagement et gestion des ressources en particulier ? Voilà les questions qui sous-tendent cette rencontre scientifique de Ngaoundéré. On constate ainsi que les savoirs professionnels à la base de l’enseignement sont variés et qu’ils font appel, non seulement à des savoirs cognitifs, à des connaissances théoriques et disciplinaires, mais aussi à des compétences pratiques, à des savoirs d’action, ainsi qu’à des habiletés et à des attitudes particulières à cette profession où des enseignants et tuteurs interagissent en tout temps avec des apprenants.

Cette variété de savoirs professionnels permet de situer la question de l’intégration pédagogique des TIC au regard d’une problématique scientifique plus vaste concernant les fondements cognitifs, épistémologiques et pragmatiques du travail des enseignants et de leur formation.

Axes de la Conférence

Les sessions ci-après sous-tendent les problématiques qui vont être abordés au cours de cette rencontre.

Session 1. Géomatique et aménagement du territoire.

Session 2. Géomatique, exploitation et gestion des ressources.

Session 3. Technologies numériques et enseignement supérieur.

En guise d’épilogue à cette Conférence Internationale, une formation ouverte aux jeunes télédéteurs africains sera organisée le 19 septembre 2022. Le 20 septembre 2022 une table ronde qui réunira des spécialistes issus d’horizon divers, afin de débattre de la question des FOAD, des MOOC et de leur intégration dans les curricula des enseignements, des plateformes d’enseignement et d’apprentissage en ligne mises à disposition des enseignants et des apprenants par les universités se tiendra à l’ouverture de la Conférence.

 

En ce sens, les communications présentées tenteront de mettre en évidence que l’intégration des TIC ne peut justement être isolée des autres dimensions de l’enseignement et des compétences plus globales qui sous-tendent les pratiques.

Les intervenants seront questionnés tour à tour sur l’une ou l’autre de ces questions et seront invités à y répondre en duo, préalablement sélectionné par l’animatrice. Les participants à la conférence seront également encouragés à faire part de leurs questions et de leurs points de vue tout au long des activités, par l’intermédiaire du fil Telegram.

 

[1] AUF, 2014. Une stratégie numérique pour l’enseignement supérieur francophone, 48 p.

[2] Glikman V., 2014. « Pédagogies et publics des formations à distance. Quelques touches historiques », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 8 | 2014, mis en ligne le 14 janvier 2015, consulté le 04 mars 2017. URL : http://dms.revues.org/902 ; DOI : 10.4000/dms.902

[3] http://www.elearningeuropa.info/index.php?page=glossary&menuzone=1&abc=F

[4] http://eduscol.education.fr/superieur/glossaire

[5] Environnement est ici entendu au sens large, prenant en compte les relations entre la nature et les sociétés.

fr_FRFrançais